La Chambre de Bahreïn pour le règlement des différends (BCDR) a co-parrainé une récente cérémonie de commémoration en mémoire du Professeur Francisco Orrego Vicuña un an après son décès.
Cet événement a eu lieu à Londres, ville où le Professeur Orrego obtint son doctorat, exerça les fonctions d'ambassadeur du Chili et où il a souvent agi en tant qu'arbitre international. Organisées par la famille du Professeur Orrego avec le Ministère chilien des affaires étrangères, le Centre de l'université de Heidelberg pour l'Amérique latine, le département de droit de la London School of Economics and Political Science (LSE), le cabinet d'avocats Baker Botts CCP, et la BCDR, les manifestations ont consisté en une messe commémorative célébrée par le Nonce apostolique en Grande-Bretagne Mgr. Edward J. Adams le 1er Octobre 2019 en l'église Saint James à Spanish Place, et en un congrès, le jour d'après, à la Shaw Library de la LSE.
Le congrès débuta par des allocutions de bienvenue prononcées par Dr. Jan Kleinheisterkamp, Professeur associé de droit à la LSE, et par S.E. M. David Gallagher, l'ambassadeur du Chili au Royaume-Uni. Ces allocutions furent suivies par cinq panels de discussions célébrant l'héritage du Professeur Orrego et les contributions qu'il fit au droit international dans les divers postes de haut rang qu'il occupa - juge ad hoc à la Cour internationale de justice, juge ad hoc au Tribunal international du droit de la mer, président du Tribunal administratif de la Banque mondiale, juge au Tribunal administratif du Fonds monétaire international (FMI), arbitre international ainsi que médiateur, académicien, enseignant et universitaire.
Le congrès attira des juristes internationaux réputés, des universitaires et des diplomates de plusieurs pays incluant l'Argentine, Bahreïn, le Chili, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Liban, les Pays-Bas, l'Écosse, l'Espagne et les États-Unis. Au nombre des intervenants, il y eut Dame Rosalyn Higgins GBE QC, ancien président de la Cour internationale de justice ; Sir Christopher Greenwood GBE CMG QC, ancien juge à la Cour internationale de justice ; Dr. Mahnoush Arsanjani, juge au Tribunal administratif de la Banque mondiale ; Sir Michael Wood KCMG, membre de la Commission de droit international et barrister aux Twenty Essex chambers ; le Professeur Juan Fernández-Armesto, arbitre, associé au cabinet Armesto et Asociados et vice-président du conseil d'administration de l'International Council for Commercial Arbitration (ICCA) ; ainsi que plusieurs professeurs de droit, avocats, ambassadeurs et fonctionnaires du Ministère chilien des affaires étrangères.
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Le Président-directeur général de la BCDR, le Professeur Nassib G. Ziadé, présida le cinquième et dernier panel du congrès intitulé « Le Professeur Orrego Vicuña et l'arbitrage international ». Le panel inclut le Professeur Juan Fernández-Armesto ; M. José Ricardo Feris, associé au cabinet Squire Patton Boggs et ancien secrétaire-général adjoint de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) ; et Dr. Gabriel Bottini, associé au cabinet Uría Menéndez.
Le Professeur Ziadé fit observer qu'à travers une riche carrière extrêmement diversifiée comme universitaire international, juge, arbitre et médiateur, le Professeur Orrego a marqué de son empreinte presque tous les domaines du droit international, et ce, du droit international public incluant la délimitation des frontières terrestres et maritimes, au droit de l'investissement, au droit commercial, au droit économique, au droit de l'environnement ainsi qu'au droit administratif international.
Pour le Professeur Ziadé, comme pour beaucoup d'autres, le nom du Professeur Orrego sera longtemps associé à la décision rendue en 2000 dans l'affaire Maffezini c. Espagne. Dans cette affaire, le tribunal, présidé par le Professeur Orrego, considéra que la clause de la nation la plus favorisée dans le traité bilatéral d'investissement (TBI) conclu entre l'Argentine et l'Espagne donnait à un ressortissant argentin, M. Maffezini, le droit de se fonder sur les dispositions plus favorables relatives aux règlements des différends contenues dans le TBI conclu entre le Chili et l'Espagne. Cinq ans plus tard, le tribunal dans l'affaire Palma c. Bulgarie s'écarta du raisonnement du tribunal dans l'affaire Maffezini, contredisant l'affirmation de ce dernier que l'harmonisation des dispositions relatives au règlement des différends pouvait être atteinte par le biais de la clause de la nation la plus favorisée. À la suite de la décision Maffezini, le Professeur Orrego a été considéré dans certains milieux comme étant particulièrement attentif aux préoccupations des investisseurs. Le Professeur Ziadé s'est inscrit en faux contre cette opinion, soulignant qu'un examen minutieux du bilan du Professeur Orrego montre qu'il a été souvent membre de tribunaux arbitraux qui ont rendu des sentences favorables aux États défendeurs, et que, de surcroît, dans l'affaire Siag c. Égypte il s'est écarté de l'avis de la majorité et a émis une opinion dissidente en faveur de l'État défendeur.
Dans son opinion dissidente dans l'affaire Siag, le Professeur Orrego a considéré qu'un investisseur voulant engager une procédure CIRDI sur la base d'un traité bilatéral d'investissement ne doit pas avoir eu la nationalité de l'État hôte à l'une quelconque des dates suivantes : la date de l'expression du consentement de l'État hôte qui est la date de l'entrée en vigueur du traité bilatéral d'investissement ; la date de l'expression du consentement de l'investisseur ; et la date de l'enregistrement de la requête d'arbitrage. Il a de plus considéré que puisque la Convention CIRDI ne définit pas la nationalité, les principes du droit international gouvernant la nationalité incluant le principe d'effectivité établi par l'arrêt Nottebohm seront pris en considération pour éviter qu'une nationalité de complaisance ne puisse prévaloir sur la nationalité réelle et effective de l'investisseur.
Le Professeur Juan Fernández-Armesto explora comment, à travers des affaires importantes, le Professeur Orrego a aidé à tracer les contours de l'arbitrage en matière d'investissement. Il rappela qu'en 2009, l'International Bar Association (IBA) avait sondé ses membres quant aux sentences les plus influentes dans l'histoire de l'arbitrage d'investissement : l'affaire Maffezini c. Espagne vint en tête du classement et l'affaire CMS c. Argentine fut également sélectionnée. Le Professeur Orrego était le président du tribunal dans les deux affaires, devenant incontestablement l'arbitre le plus influent des débuts du développement de l'arbitrage d'investissement. Le Professeur Fernández-Armesto souligna que le Professeur Orrego avait toujours considéré que le but ultime du droit international était d'offrir une protection aux particuliers, et qu'il avait constamment appliqué cette philosophie en se prononçant sur les différends d'investissement.
M. José Ricardo Feris attira l'attention sur l'internationalisme du Professeur Orrego citant en exemple son recours à la lex mercatoria dans certaines sentences en matière d'arbitrage commercial. M. Feris mit également en lumière la clairvoyance du Professeur Orrego en l'illustrant par sa défense de l'institutionnalisation de la Cour permanente d'arbitrage (CPA) pour lui permettre de jouer un rôle prépondérant, rôle qui se vérifie actuellement ; par sa conviction de l'importance de l'existence de modes alternatifs plus flexibles pour la résolution des différends, telle la médiation dont il prit conscience à l'occasion de son expérience dans la médiation papale et que la convention de Singapour sur la médiation concrétise actuellement ; et par son appel aux institutions d'arbitrage, appel entendu par la plupart d'entre elles, pour adopter des mécanismes rapides d'arbitrage tels l'arbitrage d'urgence et les procédures accélérées. M. Feris fit finalement référence à la conviction du Professeur Orrego que le travail des arbitres est sacro-saint et à son appui à l'adoption d'une convention internationale sur l'immunité des arbitres.
Dr. Gabriel Bottini parla de l'importance pour le Professeur Orrego de la possibilité d'accéder aux juridictions internationales. Dr. Bottini rappela comment à travers la sentence CMS c. Argentine, le Professor Orrego, qui présidait le tribunal arbitral, a consacré de manière définitive l'action directe des actionnaires, distincte de celle de la société, lorsque les droits octroyés par un traité d'investissement ont été violés. Dr. Bottini constata en conclusion que la contribution du Professor Orrego à l'arbitrage d'investissement continue d'avoir de l'influence sur les praticiens actuels qui doivent réfléchir sur la question de savoir comment aboutir à des solutions équitables lorsque les prétentions des actionnaires basées sur le traité coexistent avec celles de la société et des parties tierces.
À plusieurs occasions, il fut fait référence aux immenses qualités humaines du Professor Orrego, à sa bonté, à son humilité et à son sens de l'humour. En conclusion, le Professeur Ziadé déclara que le Professor Orrego était toujours dévoué à sa famille, loyal à ses amis, prêt à aider, à conseiller et à parrainer les jeunes talents, et qu'il était extrêmement aimable par nature, toujours prêt à pardonner à ses détracteurs.